Introduction

L’élaboration d’un référentiel de compétences est un processus complexe, qui demande une certaine méthodologie. La démarche qui sera détaillée dans ce texte est celle adoptée par Uchronic pour réaliser les référentiels développés avec ses partenaires. Comme toute activité, la construction d’un référentiel est elle-même sujette au référencement. Ce texte pourra donc, en plus de décrire les différentes phases du processus utilisé par Uchronic, susciter la réflexion sur la création en soi d’un référentiel. Avant d’entrer dans le vif du sujet, posons brièvement le contexte dans lequel intervient cette création de référentiel.

Uchronic propose à qui le souhaite un outil, nommé Uscope, dédié au développement personnel et à la formation. Cette plateforme met à disposition des référentiels de compétences pour des activités professionnelles. Il est ainsi possible de découvrir ce que devraient être en mesure de faire, par exemple, une directrice des ressources humaines, un graphiste ou encore, une employée de commerce.

Dans l’idée de fournir aux utilisateurs et utilisatrices un panel complet, Uchronic propose également des référentiels de compétences pour des activités qui n’en ont (officiellement) pas encore ou qui demandent à être référencées. C’est le cas par exemple des professions relatives à l’intelligence artificielle, mais cela vaut pour toute activité professionnelle ou bénévole.

Le processus de création que nous allons maintenant détailler s’organise en plusieurs phases. Il est cependant très important de garder à l’esprit que ces phases s’entremêlent et se succèdent plusieurs fois les unes aux autres. Dans une logique itérative, l’élaboration d’un référentiel de compétences se réalise par un va-et-vient permanent entre l’investigation qui le rendra possible, son objectivation et sa rédaction.

création référentiel

Analyse métier

Tout d’abord, il s’agit d’explorer l’activité visée afin de la situer dans son milieu et ainsi comprendre la mission qu’aura son/sa responsable parmi les autres professionnel-les (dudit milieu). En d’autres termes, il faut tenter de répondre, sans a priori, à la question suivante : « que fait concrètement la personne qui s’engage dans cette activité ? ». Bien entendu, plus l’activité observée est préalablement connue, moins la recherche exploratoire sera longue. Il semble néanmoins impossible de tout connaître, à tout instant, d’une activité, c’est pourquoi des sources d’informations seront maintenant passées en revue.

Une recherche peut être menée sur internet, à travers les différents sites sur le sujet. Les blogs, qui ont souvent comme but premier le partage de connaissances, peuvent se montrer très utiles. Cela est d’autant plus remarquable dans notre cas puisque les occupations qui nous intéressent ne sont pas forcément démocratisées, et de fait, celles et ceux qui en parlent sont celles et ceux qui les pratiquent.

Certaines de ces activités commencent cependant à être largement reconnues, et dans ces cas-là, ce sont les établissements dispensant les formations qui deviennent une source de données. Qu’il s’agisse de hautes écoles spécialisées, d’universités ou de centres de formation, ces institutions proposent souvent des « plans d’étude ». Ces derniers sont très utiles puisqu’ils recensent les cours et notions nécessaires à l’apprentissage d’un métier.

Une autre manière efficace de comprendre une activité est d’observer les offres d’emploi pour l’activité en question. Cela vient quelque peu compléter les « plans d’étude » dans la mesure où ces annonces rendent compte de pratiques (attendues) en condition réelle. Elles permettent de faire le tri parmi les informations trouvées en centrant notre attention sur les éléments propres à l’exercice d’une activité plutôt qu’à son apprentissage.

Rencontrer des personnes directement impliquées dans l’activité est aussi recommandé. A la manière d’un brainstorming, il est possible de réunir plusieurs professionnel-les du milieu pour comprendre en détails et de manière concrète les éléments clés de leur activité.

A l’instar d’une revue de la littérature, cette recherche exploratoire a pour but de nous renseigner un maximum sur l’activité et surtout, de faire part des réflexions déjà menées sur le sujet.

Domaines et compétences

Les données sur l’activité concernée étant souvent nombreuses, elles demandent à être organisées.

Nous appliquons alors ce qui s’appelle une analyse bottom-up : une par une, les informations recueillies sur l’activité sont relues, interprétées et assignées à des catégories, elles-mêmes construites durant cette relecture. L’objectif de cette démarche est donc de faire émerger des catégories cohérentes, c’est-à-dire regroupant des ensembles de tâches qui nous aident comprendre l’activité à référencer.

La construction de ces catégories est capitale pour l’élaboration d’un référentiel, car c’est sur ce découpage que le reste de l’investigation se basera. Le fait qu’il s’agisse de décisions arbitraires est indéniable, mais chaque décision doit pouvoir se justifier et être argumentée. Dans la même optique, il est important de consigner l’avancée des prises de positions, de sorte à pouvoir modifier et adapter, si besoin est, la structure choisie tout au long de l’élaboration. En effet, il n’est pas rare de découvrir un nouvel élément après que les catégories aient été mises en place, et la cohérence générale du découpage effectué doit pouvoir être repensée dans un processus continu. En d’autres termes, il s’agit de faire des choix tout en gardant à l’esprit qu’une évolution et une réorganisation sont possibles, voire probables.

Cette contingence ne doit cependant pas être un frein et bloquer les créateurs-rices du référentiel. Ces catégories sont nécessaires pour avancer : elles deviendront les domaines de compétences du référentiel.

Il faut maintenant développer ces domaines en décomposant les tâches qui les ont fait émerger. Une deuxième phase de recherche commence.

Contrairement au début, lorsque notre investigation était exploratoire, la recherche devient maintenant orientée : il faut comprendre chacune des tâches contenues dans les domaines. Pour maximiser cette compréhension, la mise en place de focus group peut s’avérer d’une grande efficacité. La discussion avec des individus expérimentés nous amène à une compréhension détaillée de ces tâches et nous permet de les découper en étapes, que nous diviserons alors encore en actions. Ce sont ces actions qui deviendront les compétences du référentiel. Le futur est de mise, car pour être des compétences référençables  et évaluables, ces actions doivent être reformulées.

Néanmoins, une ébauche de référentiel peut déjà être saisie sur la plateforme Uscope et les personnes sollicitées jusque-là dans son élaboration peuvent la consulter, laisser des commentaires et ainsi nourrir la réflexion en cours.

Rédaction du référentiel

Chacune des compétences constituant un domaine doit respecter certains standards mais également être pertinente par rapport à l’entièreté du référentiel conçu. Au niveau de la forme, une compétence est décrite par un verbe (d’action – généralement celle que la compétence permet) suivi d’un complément. Pour ce qui est du fond, la compétence doit être précise et proportionnellement détaillée au niveau de complexité de l’activité, d’où l’importance de la recherche exploratoire initiale, qui nous a permis de situer l’activité dans son milieu. Ce degré de détails s’appelle la granularité d’une compétence. Dans un premier temps, c’est sur ce point que nous focalisons notre attention lors de la reformulation. La question de la forme sera réétudiée par la suite – nous l’expliquerons plus loin.

Une fois les domaines et les compétences définis, nous avons la première version du référentiel. Les modifications entre l’ébauche et cette première version restent consignées sur Uscope et cela favorise une avancée réfléchie et progressive. Bien entendu, une relecture s’impose afin de juger la totalité du document créé. « Le référentiel englobe-t-il les aspects les plus significatifs de l’activité ? », « Les domaines sont-ils cohérents les uns par rapport aux autres ? », « Les compétences décrivent-elles des actions distinctes et pertinentes ? » Voilà, entre autres, les critères à évaluer. Si tout semble convenable, aux yeux de celles et ceux qui ont créé le référentiel, l’enjeu est que ce dernier fasse sens chez les personnes concernées, à savoir, les professionnel-les de l’activité référencée.

Entretiens et dialogues

C’est la phase de confrontation qui débute alors. L’idée est de trouver des personnes concernées par le référentiel élaboré et le leur soumettre. Disponible en ligne, ce dernier est facilement consultable, de n’importe où, et une discussion peut donc être engagée. Ces entretiens, individuels ou en groupe, permettent d’affiner certains aspects, d’inclure des éléments manquants ou au contraire, d’enlever le superflu. Impossible de créer un référentiel sans cette étape, d’autant plus lorsque ses créateurs-rices ne sont pas du milieu investigué ! Les dialogues avec les experts portent surtout sur le fond, c’est pourquoi, une fois les remarques prises en compte, la forme peut alors être retravaillée.

Validation du référentiel

Chaque compétence renvoie à une combinaison de ressources, elle-même décrite par un verbe. Néanmoins, toutes ces combinaisons ne sont pas équivalentes : leur niveau d’acquisition varie selon leur complexité. La taxonomie de Bloom (1956), revisitée par Krathwohl (2002) permet de définir si une compétence s’apparente à de la mémorisation, de la maîtrise, de l’application, de l’analyse, de l’évaluation ou encore de la création. Lorsque le référentiel est approuvé sur le fond, nous vérifions alors que la formulation de chaque compétence, et en particulier le verbe choisi, soit adaptée. Par l’attribution d’un niveau taxonomique, il nous est alors possible d’évaluer le référentiel en observant si les compétences, dans leur ensemble, reflètent bien le niveau de complexité de l’activité. Lorsque le référentiel semble pertinent tant sur le fond que dans sa forme, il peut être validé.

 

Conclusion

Que signifie cette validation ? Cela veut dire que le référentiel est publié sur Uscope et est consultable à tout moment ; cela ne veut pas dire qu’il est figé à tout jamais. Car le but d’une plateforme comme Uscope, c’est justement l’évolution du prescrit à l’aune de la pratique. Un « bon » référentiel de compétences est simultanément rétrospectif et prospectif : c’est une photographie autant qu’un guide. Dès lors, il se doit d’être ancré dans la réalité du terrain, et si cette réalité évolue, alors le référentiel s’adapte.

Pour assurer toute adaptation, Uscope est muni d’outils permettant la réflexion commune. En effet, il est possible de travailler à plusieurs sur le même référentiel, de manière simultanée ou asynchrone, de lancer des discussions ou encore de prendre des notes ou de consulter l’historique des modifications. La plateforme est ainsi conçue pour l’itération et pousse à la production d’une intelligence collective.

De cette intelligence émane alors des référentiels de compétences connectés à leur époque et correspondant à des réalités vécues. L’élaboration même de ces référentiels peut s’effectuer de diverses manières. Uchronic emprunte actuellement la démarche expliquée jusqu’ici, mais cela peut être fait différemment. Et c’est bien là tout le fondement d’Uscope : permettre l’échange et la réflexion autour d’activités professionnelles. L’objectif est de pouvoir s’assurer que la définition donnée à une activité soit reconnue par les gens concernés, qui précisément sont sur le terrain et peuvent juger de la pertinence d’une compétence.

Uscope et ses référentiels existent : à vous de les faire vivre ou de nous solliciter pour en créer de nouveaux !